Le 30 septembre 1938, par les accords de Munich, Français et Anglais livrent à Hitler la Tchécoslovaquie. Le dictateur allemand tire de son succès la conviction que tout lui est permis.
Conférence de la dernière chance

Après avoir annexé l'Autriche sans coup férir, Hitler réclame en septembre 1938 l'autodétermination pour les 3,2 millions d'Allemands qui peuplent la région des monts Sudètes, en Tchécoslovaquie.

On commence à entrevoir la guerre pour de bon. Pourtant, beaucoup d'Allemands gardent un souvenir amer du désastre de 1918 et rechignent à un nouveau conflit, y compris dans l'entourage du Führer.

Le Premier ministre britannique Neville Chamberlain multiplie les gestes d'apaisement envers Hitler et lui rend visite le 15 septembre puis le 22, après avoir persuadé les Tchécoslovaques de la nécessité de trouver un arrangement.

Hitler choisit de surenchérir et exige une cession des Sudètes dès le 1er octobre suivant, menaçant d'envahir le territoire à cette date... Chacun craint le pire.

Le 28 septembre, alors que la guerre est imminente, le Duce italien Mussolini propose une conférence internationale de la dernière chance... en l'absence des principaux intéressés, les Tchécoslovaques.

http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=19380930

 

 

Faillite politique

Dès le lendemain 29 septembre, Hitler accueille Mussolini en gare de Munich. Le Britannique Chamberlain et le Français Daladier arrivent chacun de leur côté en avion.

Au bord de l'épuisement, Daladier et Chamberlain finissent par accepter un «compromis» présenté par Mussolini par lequel le gouvernement de Prague est tenu d'évacuer les Sudètes dans les dix jours et de démanteler ses forteresses de la frontière...

Démantèlement de la Tchécoslovaquie

Dès le lendemain, l'armée allemande pénètre en Tchécoslovaquie et annexe les Sudètes. Hitler rectifie de son propre chef les frontières du pays en attendant de le conquérir tout entier.

Profitant de l'intervention allemande, les Hongrois et les Polonais s'emparent les uns et les autres d'un morceau de la Tchécoslovaquie. Les Slovaques obtiennent que ce qui reste du pays soit transformé en un État fédéral avec d'une part la Bohême-Moravie, peuplée de Tchèques (capitale : Prague), d'autre part la Slovaquie (capitale : Bratislava, autrefois Presbourg).

Le même jour, Hitler convoque à Berlin le président tchèque et le somme de «remettre en pleine confiance entre les mains du Führer le destin du peuple et du pays tchèques» sous peine de réduire Prague en cendres. Le lendemain, 15 mars 1939, l'armée allemande occupe sans combat la Bohême-Moravie.

C'est la première fois qu'un État européen est ainsi asservi et réduit à l'état de colonie. De son côté, la Slovaquie devient un pays indépendant mais vassal du Reich.

Défaite des démocraties

L'opinion publique des pays démocratiques est à la fois troublée et soulagée par les accords de Munich. A sa descente d'avion, Neville Chamberlain, toujours plein d'illusions, n'hésite pas à affirmer que le Führer «est un homme sur qui l'on peut compter lorsqu'il a engagé sa parole».

Adolf Hitler est né le 20 avril 1889 à Braunau-am-Inn (Haute-Autriche), dans l'empire austro-hongrois (il se trouve encore des gens pour commémorer ce jour !).

Son père, Alois Hitler, est un fonctionnaire des douanes qui vit dans l'aisance. Il a épousé en troisièmes noces sa cousine, de 22 ans plus jeune que lui.

Le futur Führer jouit d'une enfance heureuse si ce n'est que son père veut le diriger vers la fonction publique tandis que lui souhaiterait s'épanouir dans la peinture ou l'architecture.

Artiste raté et vagabond

Interrompant une scolarité des plus médiocres, Hitler s'enfuit donc du domicile familial dès l'âge de seize ans et gagne la capitale, Vienne ! Mais il éprouve une violente amertume en 1909 à l'occasion de son deuxième échec à l'examen d'entrée à l'École des Beaux-Arts de Vienne. Artiste raté, il dilapide dans la bohême la fortune laissée par son père et découvre très vite la misère et les refuges pour sans-abri.

Il vivote en vendant dans la rue des dessins de Vienne. Clochard aigri, sans joie et sans relation féminine connue, il rumine sa haine de la bourgeoisie cosmopolite de Vienne, joyeuse et prospère. Ses loisirs se passent dans la lecture de quelques livres de vulgarisation qui exaltent la nation germanique...

Août 1914 va changer son destin comme celui du monde. Hitler, qui s'est établi à Munich deux ans plus tôt, s'engage comme volontaire dans l'armée bavaroise... Il est affecté au 16e régiment d'infanterie de réserve. Dans les tranchées, les différences sociales et les humiliations de la vie civile s'effacent.

Le 9 novembre 1923, Adolf Hitler, un agitateur obscur d'origine autrichienne brave la police de Munich à la tête de 3000 militants et en compagnie du prestigieux général Ludendorff, héros de la Grande Guerre.

L'«année inhumaine»

1923 (que les Allemands surnomment l'«année inhumaine») a mal commencé.

Le 11 janvier, les troupes franco-belges occupent le bassin de la Ruhr, principale source de richesse du pays, pour obliger les Allemands à verser les réparations de guerre auxquelles le traité de Versailles les a condamnés.

L'instabilité politique et la «résistance passive» à l'occupation étrangère entraînent des licenciements et des grèves dans tout le pays ainsi qu'une vertigineuse flambée des prix.

En octobre 1923, il faut compter plusieurs dizaines de milliards de marks (la monnaie de référence allemande) pour s'offrir... un dollar américain ou une baguette de pain ! Ce contexte encourage l'agitation révolutionnaire. À Berlin, le président de la République Ebert et le chancelier Streseman imposent l'état d'urgence le 26 septembre 1923, cependant que le financier Schacht donne un coup d'arrêt à l'inflation en créant une nouvelle monnaie, le Rentenmark. La Bavière refuse la dictature momentanée des Prussiens de Berlin. Elle proclame le même jour son propre état d'urgence et se donne un triumvirat aux pouvoirs dictatoriaux avec le commissaire d'État Gustav von Kahr, le général Otto von Lossow, commandant la Reischwehr (l'armée), et le colonel Hans von Seisser, chef de la police.

La menace du séparatisme bavarois plane sur le pays. C'est le moment que choisit Hitler pour tenter de se saisir du pouvoir à Munich.

Duel dans la Brasserie

Le 8 novembre, dans une grande brasserie de la capitale bavaroise, le Bürgerbraükeller, 3.000 bourgeois écoutent les trois principaux dirigeants du Land.

La brasserie est brutalement investie par les militants du parti nazi. Leur chef ou Führer, Hitler, monte sur l'estrade. Revolver au poing, il entraîne les dirigeants bavarois dans une arrière-salle et leur intime l'ordre de lui céder le pouvoir! Mais les fieffés politiciens réussissent à s'esquiver après avoir fait mine de céder.

Déconfit, l'agitateur tente à l'aube de reprendre l'initiative en s'emparant du ministère de la Guerre du Land de Bavière. Au bout de l'étroite Residenzstrasse, une centaine de policiers barrent la route à sa troupe.

Dès les premiers coups de feu, les agitateurs se débandent piteusement, leur chef le premier. Seul, le général Ludendorff fait face à la mitraille. On relève seize morts.

Le «putsch de la Brasserie» débouche sur un fiasco complet. Le chef de la bande est arrêté deux jours plus tard. Au terme d'un procès orageux au cours duquel il va faire étalage de son talent de propagandiste, Hitler est condamné le 1er avril 1924 à cinq ans de prison. Il ne va en effectuer que neuf mois.

Il quitte la forteresse de Landsberg le 20 décembre 1924 avec un épais manuscrit qu'il a eu le loisir de dicter en prison à son fidèle Rudolf Hess. Il y annonce son projet politique pour l'Allemagne. Le titre ? Mein Kampf (Mon combat).

Le national-socialisme ou nazisme se présente comme une alternative révolutionnaire au communisme d'origine russe.

En se revendiquant socialiste et anticapitaliste, il répond aux aspirations des prolétaires et déclassés allemands qui répugnent à suivre les communistes russes, tenus pour des gens incultes et méprisables.

En affichant un nationalisme viscéral, le parti de Hitler séduit aussi nombre de patriotes sincères, révulsés par l'humiliant Diktat de Versailles (*).

En se présentant enfin comme révolutionnaire, antiparlementaire et antichrétien, le nazisme attire nombre d'intellectuels. Il est salué avec faveur, à ses débuts du moins, par de grands esprits, y compris la majorité des Prix Nobel allemands.

Parmi les premiers compagnons de route du nazisme figurent quelques personnalités éminentes comme le grand historien du Moyen Âge Ernst Kantorowicz. Juif homosexuel et athée, mais aussi fervent patriote, il se rallie au nazisme avant d'émigrer aux États-Unis et d'y poursuivre une carrière digne et honorable.

L'essayiste Jean-Claude Guillebaud rappelle que «dans les années 20 et 30, le national-socialisme se présentait encore volontiers comme une force subversive, opposée au moralisme petit-bourgeois, soucieuse de combattre la famille au nom de la communauté de sang en quête d'espace vital, d'organiser, sous l'égide de l'État, des filiations eugéniques (les fameux Lebensborn), etc. Au demeurant, c'est la gauche allemande qui dénonçait à l'époque l'amoralité, et notamment les complaisances homosexuelles que manifestaient certains nazis» (*).

Une difficile ascension

Malgré sa capacité à ratisser large, le nazisme a le plus grand mal à s'imposer dans le paysage politique allemand. Après sa sortie de prison en décembre 1924, Hitler doit faire face aux manoeuvres séditieuses de ses lieutenants.

Les troupes para-militaires du parti, les SA (abréviation de Sturm Abteilung ou Sections d'Assaut), que dirige Ernst R se montrent particulièrement indisciplinées. Pour les contenir, Hitler forme une garde personnelle à sa dévotion, les SS (abréviation de Schutzstaffel ou Échelon de protection), sous la direction de Josef Berchtold puis, en 1929, de Heinrich Himmler.

Les frères Strasser, qui dirigent le parti en Allemagne du nord, veulent renforcer son orientation socialiste. Ils sont écartés lors de la recréation du parti par Adolf Hitler le 27 février 1925.

Le parti va se développer sur le modèle léniniste, avec de nombreux sympathisants qui lui apportent de l'argent ainsi que des militants professionnels dévoués à leur chef suprême, le Führer.

Si Hitler accède au pouvoir en moins de huit ans (1925-1933), il le doit avant tout aux circonstances et notamment à la crise économique de 1929, qui brise net le redressement économique, social, politique et culturel de la démocratie allemande née à Weimar dix ans plus tôt. Avec la multiplication des chômeurs et des déclassés, les principaux partis révolutionnaires, à savoir le parti nazi et le parti communiste, voient le nombre de leurs adhérents monter en flèche.

De 176.000 en 1929, le nombre d'adhérents au parti hitlérien grimpe à 806.000 en 1931 et à 4 millions en 1933. Les nazis n'ont obtenu que douze députés aux élections de 1928. Ils en obtiennent 107 à celles de septembre 1930 et deviennent tout d'un coup le deuxième parti allemand; une force politique avec laquelle il faut désormais compter.

Le grand capital a-t-il soutenu Hitler ?

Le grand capital allemand n'apporta pas son soutien à l'avènement du nazisme contrairement à ce qu'a longtemps soutenu la glose marxiste et à ce que laisse penser le film de Luchino Visconti, Les damnés (1969), reconstruction baroque de l'Histoire.

Seules font exception quelques personnalités isolées comme les industriels Fritz Thyssen et Friedrich Flick ou encore le financier Hjalmar Schacht.

Le programme en 25 points du premier parti nazi fut clairement anticapitaliste et de gauche. Et plus tard, dans les années qui précédèrent la prise de pouvoir, les rencontres entre Hitler et les patrons de l'industrie allemande n'eurent pas de franc succès.

«Quelques hommes d'affaires et industriels prestigieux assis sur les bancs du procès de Nuremberg, et voilà le discrédit jeté durablement sur toutes les élites économiques allemandes. Est-ce à dire qu'elles furent toutes coupables, comme l'affirma longtemps une historiographie d'inspiration marxiste ? Comme souvent, avec le recul et les progrès de la recherche, l'histoire s'est dérobée aux schémas simplistes et a infirmé les poncifs d'origine marxiste qui dominaient les analyses de cette question», écrit l'historien Henri Rousso, directeur de l'Institut d'histoire du temps présent - CNRS (*).

En revanche, après 1933 et l'accession au pouvoir de Hitler, il est indiscutable qu'industriels et financiers surent s'accommoder du régime pour en tirer un profit maximal jusqu'à renoncer à leur liberté d'action au profit de l'ordre nazi.

 

André Larané    merci de rappeler ces événements

http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=19231109&ID_dossier=37